Le Docteur Mounir El Kadiri traite des valeurs de justice, de miséricorde et des valeurs communes à l’humanité


Madagh, le 29/11/2021


A l’occasion de sa participation à la 80ème édition des Nuits Al Wissal « Invocation et pensées », organisée le 28 Novembre 2021 par la Mashyakha de la Tariqa Qadiriya Boutchichiya et la Fondation al Moltaqa en collaboration avec la Fondation al Jamal, le Docteur Mounir El Kadiri, président de la fondation al Moltaqa et directeur du centre Euro-Méditerranéen pour l’Etude de L’Islam Aujourd’hui, a traité le sujet suivant : « Les valeurs de justice et de miséricorde, bases de toute civilisation, pour un commun éthique universel ».

Il a commencé son intervention en indiquant le sens de « la place centrale de l’éthique et des valeurs » ainsi que le sens du « commun », qu’il a définit comme étant l’opposé du séparé, dispersé, déchiré dans la parole, l’acte, le mouvement et le comportement. Il a également mentionné l’importance de ces deux concepts pour établir les bases d’un projet humain universel qui pose les repères du chemin de l’humanité perplexe vers un but commun qui est celui du vivre ensemble dans une citoyenneté universelle qui inclut tout le monde. C’est le projet humain d’éthique et de valeurs.

Il a insisté sur le rôle central de la dimension spirituelle pour consolider la conscience du commun entre tous les êtres humains et dépasser ce qui les sépare. Il a souligné que le destin de l’homme dépend toujours de deux choses : sa relation avec son Seigneur et sa relation avec son frère en humanité, et que la dimension spirituelle est centrale dans ces deux relations.

Il a également attiré l’attention sur l’importance de prendre conscience du commun fondé sur le partage, ce qui implique une relation de parité et non de control et de dominance, en montrant son rôle dans la réalisation de la vrai rencontre et de l’acceptation de l’autre, et dans la prévention de la confrontation, du conflit, de la guerre, du rejet mutuel et de la haine.

Il a ajouté que la philosophie de la religion traite les valeurs comme des forces supérieurs qui procèdent de Dieu, et qui sont la référence pour l’existence tout entière, et que toutes les religions monothéistes sont venues pour confirmer la liberté de l’homme ainsi que sa dignité et sa grande valeur, et qu’elles ont toutes annoncé tous ses droits en appelant à sa libération de toutes les contraintes qui pèsent sur lui, l’oppriment,
l’humilient, limitent sa liberté, lui font perdre la maitrise de ses initiatives, et l’enchainent, qu’elles soient extérieurs ou intérieurs.

Le Docteur Mounir El Kadiri a également insisté sur le rôle central des valeurs spirituelles dans la consolidation de la conscience du commun universel humain, en citant cette parole du philosophe américain du langage Wilbur Marshall Urban, qu’il a considéré comme l’un des pionniers dans la recherche en théorie de la valeur : «…Si nous voulons développer une conscience historique commune, il est nécessaire que chacun soit prêt à discuter et remettre en question ses positions et qu’il ait le courage de le faire, et afin que le dialogue soit fructueux nous avons besoin d’un socle commun de valeurs religieuses pour construire un projet de vie commune dans un cadre de diversité culturelle, de paix et de valeurs humaines partagées : la religion, la liberté, la justice, et les droits, les droits de miséricorde ».
Il a aussi invité à reconsidérer ces valeurs spirituelles, qui sont devenues l’objet de la réflexion humaine autour du présent et de l’avenir de l’humanité, afin qu’elles soient source de convergence et non de dispute et de conflit.
Il a souligné, dans ce même contexte, que les valeurs et l’éthique coraniques fournissent une constitution et une feuille de route à suivre afin de concrétiser l’acte civilisationnel de l’homme en tant que représentant de Dieu sur terre (« Khalifa »). Il a ajouté que les valeurs éthiques coraniques attestent de la place centrale de l’homme, base de toute construction, et proclament la miséricorde, la justice, l’égalité, la paix, et le vivre ensemble, loin des mauvais caractères, sources de violence,
d’extrémisme et de pragmatisme, qui ignorent les sentiments d’autrui et ses droits dans cet univers.
Il a également considéré que la justice est le fondement de la loi de Dieu, et aussi le fondement du progrès des nations. C’est une obligation légale et une nécessité civilisationnelle. Il a continué en montrant que la caractéristique de l’Islam est la justice, qui détermine la relation entre les gens que ce soit en état de paix ou en état de guerre. C’est grâce à cette justice que s’organise l’existence humaine, comme l’illustre cette parole d’Ibn Khaldoun : « L’injustice est un annonciateur de ruine ».

Le président de la Fondation al Moltaqa a établi le lien entre la valeur de justice et la dimension mondiale de la religion musulmane, ainsi que ses valeurs qui invitent à la lutte contre toutes les formes d’extrémisme, d’injustice, de fanatisme et de violence. Il a ajouté que cette dimension mondiale se fonde sur la miséricorde, qui est une valeur essentielle en Islam et une caractéristique de la loi apportée par notre Prophète Mohammed, Paix et Salut sur lui, illustrant ses propos par plusieurs versets coraniques et paroles prophétiques.


Il a également fait référence, à l’occasion de la journée mondiale de la lutte contre la violence faite aux femmes, à la miséricorde du Prophète, Paix et Salut sur lui, envers la femme, son respect, l’invitation à adopter le meilleur des comportement avec elle, et l’interdiction de l’exploiter ou lui causer du tort.


Il a par ailleurs alerté sur l’importance de de cette base spirituelle et éthique pour la capacité à supporter la charge résultant de la nature même de la vie matérielle et sociale, ainsi que des revers qui touchent les peuples dans les différents domaines de la vie, car cette base représente une immense réserve dans laquelle puisent les nations pour restaurer de nombreux aspects de leurs vies.
Dans ce même contexte, le Docteur Mounir El Kadiri a évoqué la nécessité urgente du discours éthique soufi dans notre monde d’aujourd’hui, marqué par les conflits politiques, les différences intellectuelles et morales et la fragmentation sociale et communautaire.


Il a également évoqué l’approche de réforme dans la tradition éthique et spirituelle soufie du Maroc, aussi connue comme l’approche du comportement éthique chez Ibn Abbad al Randi (imam et juriste à la mosquée al Karaouiyne), ce qui indique que cette approche de réforme avait pour but de réformer les comportements. Il a cité à ce sujet, cette parole d’Ibn Qunfud, dans son livre « Uns al-faqîr wa ʻizz al-ḥaqîr », qui décrit la propagation de cette approche de réforme soufie au Maroc : « C’est une terre qui produit les pieux comme elle produit le fourrage ». Il a également mentionné que ce discours était une directive générale dont le but est la réforme.

Il a conclu son intervention en insistant sur le fait que le soufisme sunnite, attaché au Coran et à la Tradition Prophétique, est fondé sur la recherche du bénéfice et l’évitement du préjudice suivant la bonne compréhension des objectifs de la loi religieuse, et basé sur l’édification de l’individu, la réforme de son cœur, la purification de son âme, et son revêtement des qualités nobles et des valeurs morales spirituelles universelles, ce qui contribue à l’émergence de la culture de miséricorde et d’entraide et à la propagation de la justice et de la préservation des droits, car c’est la réforme de l’individu qui garantit la réforme de la société : si l’individu est bon, la société le sera aussi. C’est ainsi que se réalise le développement du capital immatériel, ce qui contribue à l’équilibre de la société et au service du bien commun et assure la réussite de tout projet de développement durable et global.